Quand nous parlons des légendes automobiles, il y a celles qui sont restées figées dans nos mémoires au point de hanter encore nos présents. Porsche 911, Citroën DS, 4L, Lamborghini Countach, Buggati 56/actualites-automobile/article/buggati-35-les-cents-ans-dune-legende... Et puis, il y a celles dont on se souvient moins bien : plus discrètes, moins présentes dans la culture pop et sans doute à l'ombre de leurs contemporaines dans la mémoire collective. La R16 est une révolutionnaire et c'est sans doute pour cette raison qu'elle n'a pas la tendresse qui échoit à la 4L ou à la R5. Elle est un peu comme un album d'un groupe de rock mythique, sorti avant la gloire, que les fans adorent aimer pour se distinguer de la plèbe. La R16, c'est tout cela en même temps, née dans une période heureuse de l'automobile où tout était possible du moment que l'idée soit forte et porteuse de sens.
R16 : un positionnement audacieux
Nous sommes en 1965, les Trente glorieuses tournent à plein régime et la société française croit en son destin. L'optimisme, malgré la guerre froide, irrigue les classes populaires qui prennent l'ascenseur social pour propulser leurs enfants dans un avenir encore meilleur. C'est dans ce contexte qu'en 1965, Renault sort la R16 avec un slogan qui provoquerait quelques remous aujourd’hui « «aux familles en quête d’ascension sociale dans une France en plein baby-boom ». A l’époque, ses concepts étaient éloquents et ce segment de population grandissait avec des besoins singuliers comme signifier sa réussite tout en conservant la valeur de l'utile et du pratique. On pourrait dire que l'essence de la R16 est d'associer l'utile à l'agréable tout en proposant un design unique qui ne semble pas avoir été choisi pour faire l'unanimité et pourtant...
R16 : Quand Gaston Juchet rencontre Phillipe Charbonneaux
Il est moins connu que Gian-Battista Pinin Farina, fondateur de la légende Pininfarina, par le grand public, mais dans le milieu, c'est également un grand et chez Renault, c'est une légende : R14, 15, 16, 17, 18, 20 et 30, sans oublier la Fuego ou l'Alpine A310. A la tête du centre de style Renault, il va imposer sa vision dans le design au sens strict du terme : le beau et l'utile que l'on retrouve dans le slogan de la marque aux losanges « des voitures à vivre ». Pour La R16, il sera épaulé par un autre Français qui n'a pas à rougir de la comparaison. Nous parlons bien de Phillipe Charbonneaux, le designer de la Corvette 1953. La R16 est bien née parce qu'elle a été enfantée par deux grands designers chez un constructeur qui n'avait pas peur de s'engager. La R16 s'inscrit pleinement dans cette démarche avec la prise de risque dont Renault est un spécialiste avec les échecs que l'on connaît. La R16 va faire sensation dès sa présentation au Salon de Genève de 1965.
R16 : Un positionnement entre deux-eaux
La Renault 16 vient remplacer la Frégate et veut ouvrir un nouveau créneau mêlant la berline, le break et la familiale. Pour son côté break, les designers ont travaillé pour créer une voiture qui s'adapte à tous les besoins en offrant des volumes que l'on ne retrouvait pas dans les berlines et familiales de l'époque. La berline, c'est le choix de proposer une voiture avec des finitions haut de gamme et le confort qui va avec. Et enfin, la R16 démontre une grande polyvalence et toutes les facilités de l'époque pour une familiale. Elle est avant-gardiste et en même temps ancrée dans son époque. Et si on tire un peu le fil, est-ce que l'on ne pourrait pas s'avancer et dire que la R16 est la parente éloignée des SUV et surtout des Crossover actuels ?
R16 : Un dessin unique
Parfois, on peut trouver des ressemblances entre les modèles, mais la R16 avec son hayon, première française à en disposer, se reconnaît en un clin d’œil. Sa singularité, c'est une ceinture basse et un toit haut qui étirent la voiture. La R16, c’est aussi une galerie des glaces avec six vitres qui permettent d’alléger la voiture, la rendant presque aérienne. C'est un bel effet parce que la carrosserie et sa forme auraient facilement pu donner une impression de balourdise alors qu'elle fait figure d'élégance, notre révolutionnaire. En intégrant les gouttières au toit, la ligne principale devient encore plus fluide. L'ingéniosité des designers sur ce modèle démontre, si besoin, est l'importance du dessin et du regard dans la conception d'une voiture.
R16 : une technologie innovante
En faisant le choix de couler à froid sous pression et en aluminium le châssis, le moteur, la boite de vitesse et la culasse sous pression Renault a fait montre d'audace : c'était tout simplement une première européenne. On peut aussi noter son châssis à traction, qui n'est pas une première, mais plutôt un choix singulier à cette époque. Le Cléon-A est le petit nom de ce moteur en alliage fait exclusivement pour la belle. Sa tenue de route a toujours été louée et si vous entendez qu'elle se retournait facilement dans des virages trop serrés, c'est à rebours de l'histoire : n'oublions pas que nous sommes en 1965 et que les standards étaient différents.
La R16 était performante ; les versions mythiques chez les connaisseurs, c'est la R16 TX et la TS bien que cette dernière soit moins connue. Ces deux versions survitaminées parvenaient à une vitesse de pointe de 170 km/h. Pour l'époque et pour une voiture grand public, elle venait tutoyer les BMW et les Alfa-Roméo. Le magazine allemand, Auto-Kritik, parle même d'une gifle pour l'industrie de l'automobile allemande.
On peut aussi noter les vitres électriques en option, une boite cinq vitesses et des feux à iode en 1973... Tout au long de sa vie, elle va intégrer les nouvelles technologies.
R16 : un succès à 1.851.502 million d'exemplaires
Dés sa présentation à Genève, c'est un succès. Elle est même nommée voiture de l'année devant la mythique Shadow de de Rolls-Royce. De 1965 à 1980, elle s'écoule a plus de 1,8 million d'exemplaires. Le plus étonnant, c'est qu'elle connaît un succès international considérable puisque c'est plus ou moins la moitié des ventes qui sont faites à l'étranger avec les US comme principal marché. Le pari de Renault a si ben fonctionné que le concept de « voiture à vivre » est resté le credo de la marque au losange. La R16 a inspiré de nombreux modelés de la marque. C'est en 1980 que la production s’achève dans son berceau de Sandouville (76).
La R16 a une place importante dans l'histoire de Renault et à l'heure où le constructeur français utilise ses gloires passées pour faire vivre son présent et futur électrique, la nouvelle Renault Symbioz est présentée comme la digne héritière...