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Buggati 35 : les cents ans d'une légende

article La merveille des Années Folles

Et si cette semaine, on faisait un saut dans le temps pour débarquer non pas en DeLorean, laissons cela aux Américains, mais plutôt en Buggati 35, c'est tellement plus élégant, pour découvrir 1924 et les Années Folles ? Cette voiture est une œuvre d'art et rarement ce terme a été si peu galvaudé. Nous vous racontons l'histoire d'un mythe où la grâce, le beau, la technologie et la performance se sont conjugués dans un numéro devenu aussi prestigieux que le 5 de Chanel, le 35 de chez Bugatti. Il n'est pas impossible que cette petite merveille vous ait échappé, car le monde des voitures anciennes est l'endroit d'un certain élitisme, de ceux qui savent, des puristes qui aiment remonter aux origines pour nourrir leur passion, mais c'est aussi l'endroit du partage où on apprend, non sans surprise, que le monde de l'automobile n'est pas né avec la 911 Turbo. La 35 fête son centenaire, alors vous comprendrez que nous ne pouvions manquer de partager cela avec vous.

Buggati : une histoire européenne

Avant de vous parler de la 35, il faut remonter à l'histoire d'Ettore Arco Isidoro Buggati, un authentique Italien adopté par l'Alsace en 1909, encore sous le joug de l'empire allemand, et financé par un banquier espagnol. Les années 20, c'était une époque où l'automobile était le terrain de jeu des inventeurs et des passionnés. Ettore était amoureux de la mécanique, mais c'est également un artiste qui a suivi les cours de l'Académie des Beaux-arts de Milan, la fameuse Brera. C'est loin d'être un détail, car il a toujours cherché à utiliser le beau et le bel ouvrage au service de la performance. Désigner et artiste, il n'a jamais eu de diplômes de mécanique ou d'ingénieur. C'est un créatif, un intuitif, mais aussi un meneur d'hommes capable de bien s'entourer. Surnommé, le Patron, on peut dire qu'il était plus de la veille école que de la philosophie de l'happyness manager. A Molsheim, il s'installe dans les locaux d'une ancienne teinturerie et c'est là où va naître la légendaire Buggati type 35.

Buggati 35 quelque chose des Années Folles

Buggati Type 35, quelque chose des Années Folles

Fêter le centenaire de la Buggati 35, c'est fêter aussi une époque. L'art dans les années 20 irrigue dans toute la société : les années folles, c'est le retour à la vie après ce que l’Europe pensait être la « der des der ». L'automobile est en train de conquérir le grand public, mais elle reste encore quelque chose d’éthérée, comme un vaste continent pointant à la proue d'un navire, se dessinant peu à peu, mais laissant libre cours à l'imagination du voyageur. L'automobile existait, mais vous pouviez encore en faire ce que vous vouliez. Il faut bien imaginer que la traction animale était encore largement majoritaire en Europe. L'automobile était une histoire de caste, mais aussi une vision du monde où la liberté et l'individu s'émancipaient d'une société en pleine révolution. Même si aujourd'hui, cela peut étonner, la liberté était chérie par le monde artistique avec des courants et des écoles naissant de toute part avec un désir profond de créer quitte à bousculer les mœurs et à offenser. Les temps ont bien changé et si cela se voit dans le monde de la culture, on peut aussi le voir dans le design auto de 2024.
La 35 est l’œuvre de son temps, d'une époque où la vie débordait vers un futur plein de promesses. Pour l'automobile, la promesse était la vitesse. Elle était le juge de paix. Ettore Buggati, avant même de fonder son entreprise en Alsace, avait créé ses premières voitures éponymes, mais le plus étonnant, c'est qu'il les pilotait lui-même en course. La course automobile, c'était comme le football aujourd'hui, en plus risqué évidemment : populaire, intense et statutaire. Maintenant que nous avons situé l'époque, rencontré Monsieu Buggati, on démarre la belle ?

Buggati 35 : Soit belle et roule vite !

Buggati 35 : Soit belle et roule vite !

Avec cette voiture, Ettore Buggati a créé un écrin à la performance. Elle est belle en général, mais aussi dans le moindre des détails. Le radiateur en forme de fer à cheval, comme un hommage à la passion du Patron pour l’équitation, un arrière qui s'effile comme pour offrir un surplus d’élégance à la belle... Le moteur est tout simplement un morceau d'histoire, car c'est une innovation : un huit cylindre en ligne de 2 litres pour 24 soupapes à l'origine. Rappelons que nous sommes en 1924, parce que vous n'allez pas comprendre l’enthousiasme des amoureux de la 35 : avec un régime de 6 000 tours minutes pour 100 chevaux, elle peut se promouvoir de performance hors norme. La 35 bénéficie aussi d'une conception qui est orientée exclusivement pour la course, ce qui est presque unique à cette époque. On dit presque parce que durant les années 20, il y avait des constructeurs d’automobile dans tous les garages de France et sans doute d’Europe.

Buggati Type 35 : la vitesse

Les matières, sélectionnées pour être les plus qualitatives au monde, se conjuguent : de l’aluminium pour les jantes, poli ou bouchonné pour le moteur, mais aussi de l'acier, du laiton, et même du cuir pour les joints. On pourrait parler du travail d'un couturier usant et abusant des matières. Pour la Bugatti Type 35, le seul horizon était la performance sur l'asphalte. Déjà, la légèreté était la quête que suivent encore les ingénieurs aujourd'hui. Buggati était un précurseur, non pas dans une discipline, mais dans sa vision globale et exclusive de l'automobile. Forcément, à force de chercher, l'équipe Buggati a innové notamment avec un essieu courbé, un châssis dont la légèreté permet à la 35 de peser 750 kg, mais aussi un réservoir d'essence pressurisé pour optimiser la circulation du carburant : le bolide montait à 184 km/h...

Buggati 35 : 2 000 victoires en course et sur le marché

 Buggati Type 35 : 2 000 victoires en course et sur le marché

La 35 a été construite à 35 exemplaires. A l'époque, la course automobile était ouverte, plus ou moins à qui voulait, du pilote au gentleman en quête de frisson, Buggati se fait un nom et une réputation avec ce modèle qui va gagner partout dans le monde, des prestigieuses compétitions aux courses les plus intimistes. Buggati va utiliser cette notorieté pour créer une voiture dérivée de la 35 : La 35 A imitation course ». Moins chère, moins exclusive, elle se vend tout de même à 135 exemplaires, ce qui est énorme pour l'époque et une voiture qui reste tout de même une Buggati. Ettore Buggati avait tout inventé avec l'hyper exclusivité d'un modèle course et un modèle qui reste exclusif, mais qui est plus rentable d'un point de vue commercial.

Pour finir, on peut citer l’écrivain Paul Morand qui résumait la Buggati type 35 ainsi :  «À côté, les autres voitures sont des fusils de chasse ».

Publié le 17 Avril 2024