Le Sénat a lancé une consultation concernant les Zones à Faible Émission et, contre toute attente, les réponses ont afflué : plus de 50 000 en moins d'un mois. Ouverte à tous les Français, la consultation n'a pas l'approche technique et scientifique, notamment dans l’homogénéité des personnes interrogées, d'un sondage, mais les avis n'en sont pas moins intéressants. On ne vous fera pas vivre un grand moment de surprise puisque, évidemment, les contres sont une majorité pour le moins écrasante. 86 % pour les particuliers et 79 % pour les professionnels sont contre le déploiement de ZFE. On se dit que pour avoir cette info, il n'était pas forcément utile de faire cette enquête et de la faire analyser par un sociologue. Comme si on demandait aux Français, s'ils voulaient travailler deux ans de plus ! Heureusement, cette consultation permet d'aller plus loin et de comprendre pourquoi autant de nos concitoyens sont vent debout contre ces ZFE. Là encore, on a quelques idées, mais cette consultation sénatoriale permet de le vérifier et d'aller un peu plus loin, si jamais, le passage en force n'était pas la dernière des solutions des municipalités. Voici donc ce qui freine l'adhésion, avec pour commencer l’inévitable prix des véhicules propres.
Véhicules propres : Trop cher ?
C'est sans doute la raison la plus simple à identifier : 77 % des personnes interrogées en font le facteur majeur. En excluant les véhicules polluants, les autorités créent une sorte de taxe puisque seuls ceux capables d'acheter un véhicule neuf ou d'occasion propre pourront avoir accès à ces zones, souvent situées dans les centres-villes... Ce qui est intéressant, c'est que le facteur économique n'est pas le seul. Une sorte de loi des ZFE semble émerger de cette étude : plus la personne vit loin de la ZFE, plus elle est contre son déploiement. C'est assez logique finalement : les personnes vivant dans les ZFE profiteront de ses avantages : moins de bruit, moins de circulation et moins de pollution. Ceux qui sont éloignés ne profiteront que de l'obligation de changer de voitures ou de l'amende de 68 euros. Cette loi est à relativiser car on parle uniquement de 23 % de personnes favorables vivant dans une ZFE alors que 8 % sont favorables dans les campagnes.
Des alternatives pas assez développées
84 % des personnes interrogées pensent que les alternatives, comme les transports en commun ou le covoiturage, ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Là encore, les personnes interrogées font état d'un sentiment d'être mis au pied du mur sans avoir les moyens de s'adapter à cette nouvelle loi. Finalement, le pragmatisme de ces personnes se confronte à l'idéologie ou à l'idéalisme de pouvoirs publics qui pensent que les ZFE seront adoptées parce qu'il est question d'environnement et d'une vie plus agréable en ville.
Un parfum de luttes des classes ?
C'est exagéré, mais, quand même, 25 % des cadres sont favorables au ZFE, 11 % des employés et, seulement, 4 % des ouvriers. On retrouve, par ailleurs, la conséquence de la gentrification des centres-villes et l'éloignement des classes populaires en dehors des villes.
ZFE : une remise en question de la méthode
Trop vite, pas assez de consultation, irréaliste... Les ZFE cristallisent de nombreux reproches qui sont faits à la classe politique sur d'autres sujets aussi brûlants. Au moins, on peut dire qu'elles font presque l’unanimité contre elles. Les ZFE arrivent même à réaliser l'impensable en créant un front transpartisan contre elles.
Pour les sénateurs, plutôt de droite, cela peut être aussi une donnée importante dans leur réaction, c'est le calendrier qui n'est pas adapté. Les Zones à Faible Pollution sont imposées avant que des solutions viables ne soient disponibles pour la population. Ce rapport du Sénat n'apporte pas un regard nouveau et, intuitivement, on pouvait s'attendre à ce rejet massif et à son argumentaire. Il pourrait peut-être inspirer toutes les villes qui sont parties bille en tête et dont, certaines comme Paris, doivent revenir en arrière. L’avenir proche nous dira si les grandes villes vont prendre conscience du décalage entre leur rêve légitime d'une ville sans voiture et le quotidien des Français, notamment, ceux vivant loin des grands centres urbains.