L'odeur de gomme sur l'asphalte, le son d'un V12 hurlant sa rage en passant devant les tribunes, l'audace d'un pilote doublant dans une chicane... La carte postale est jetée. Nous pensons à Fangio, Senna, Loeb, Prost, Lauda et tous les autres. Un monde d'hommes pour un sport d'hommes. Longtemps, l'image d'Epinal des femmes dans le sport automobile était cantonnée aux Grid Girls, bonnes à tenir les ombrelles pour que le soleil ne fasse pas d'ombre à nos champions. Et pourtant, l'histoire de la course automobile a aussi été écrite par des femmes. Elles étaient rares et leur histoire est précieuse. Elles avaient en commun la même passion, la même témérité, pour ne pas dire la même folie que les hommes, quand il était nécessaire de jouer sa vie dans un morceau de tôle déformée par la vitesse et la force centrifuge. La différence, c'est que ces femmes ne luttaient pas uniquement pour gagner des courses, mais elles conquerraient un monde d'hommes. Nous rendons hommage aujourd'hui à une pionnière et à une championne.
Camille du Gast, née pour être libre
La vie de Marie Marthe Camille Desinge du Gast ne se limite pas à sa la Panhard-Levassor 20CV qu'elle a conduite dans la course Paris-Berlin de 1901. Camille est issue d'une famille bourgeoise parisienne. Dans sa vie personnelle, elle ne suivait pas le chemin tracé d'une femme de son rang. Avant d'être pilote, elle vivait en union libre avec un enfant. À cette époque, ce n'était pas une subversion ou même une provocation mais c'était une mise au ban de la société. Elle finira par se marier, et, un an plus tard, elle était veuve. Les écrivains auraient pu inventer le mot pionnière pour elle. Vous imaginez sauter en parachute à cette époque ? Camille est l'une des trois premières femmes de l'histoire à faire le grand saut. Il faut dire qu'elle pilotait des aéronautes, les premières montgolfières. Elle obtient l'équivalent de son permis de conduire en 1897, devenant l'une des deux premières Françaises à l'obtenir. Camille est une touche-à-tout avec une forte appétence pour l'adrénaline. La course automobile lui tendait les bras. Le concept était assez nouveau pour que les hommes n'aient pas encore eu l'idée de l'interdire. Pionnière et donc première, elle est la 1ère Française à participer à une compétition automobile. Elle participera à différentes courses dont Paris-Vienne et Paris-Madrid. Camille de Gast sera la seule femme membre du prestigieux cercle de l'Automobile Club de France. À lire son histoire, on oublierait presque la place de la femme dans la société. Camille n'est pas la norme, mais une des exceptions qui bousculent les stéréotypes au point de créer une réaction. En 1904, Benz l'invite sur la coupe automobile Gordon Bennett, mais la France met son veto. Peu de temps après, le gouvernement français interdit la compétition automobile aux femmes avec des justifications pour le moins sexiste. Surnommée l'amazone aux yeux verts ou la Walkyrie de la Mécanique, Camille se retrouve exclue des courses automobile et devient pilote de bateau.
Michèle Mouton : championne, tout simplement
Michèle Mouton est la digne héritière de Camille de Gast. La première a montré qu'une femme pouvait être compétitive et battre les hommes. La seconde a montré, au tout début de l'histoire de la course automobile, que les femmes avaient leurs places sur l'asphalte. Née à Grasse, au milieu des champs de fleurs, rien ne semblait destiner Michèle Mouton à devenir pilote professionnelle. Tout a commencé par un rallye en tant que co-pilote. La passion est née dans une Peugeot 304 S. Elle va rapidement survoler les compétitions féminines et remportée deux titres de championnat de France Féminin des Rallyes en 1974 et 1975. C'est ensuite une carrière ascendante avec une participation aux 24 h du Mans dans une équipe 100 % féminines. Elle se fait un nom et on peut dire qu'à l'époque les constructeurs vont se l'arracher. Elle ira chez Porsche pour le championnat européen des rallyes. Elle finira vice-championne d'Europe sur sa Porsche Carrera RS. Au volant de la Fiat 131 Abarth, un mythe de la course automobile avec trois titres constructeurs, elle remporte le tour de France. La consécration, elle va l'obtenir sur l'Audi Quattro en devenant la première femme, et la dernière encore aujourd'hui, a remporté une étape du championnat du monde des rallyes sur le SanRemo. En 1982, elle termine sur la première place du podium aux rallyes du Portugal, de l'Acropole et du Brésil. Elle terminera 2e du championnat du monde. À la fin de sa carrière, elle va s'imposer dans les institutions, ce qui n'est pas une mince affaire pour une femme. Elle sera nommée Directrice du WRC par la FIA en 2010, puis en 2011, présidente de la Women and Motor Sport Commission (WMC) de la FIA.