Le fondateur de l'un des fleurons français de l'automobile, et, même mondial, intronisé dans le Saint des saints ? C'est une question qui se pose, car son nom vient de plus en plus fort aux oreilles du président de la République. Si les médias prêtent peu d'attention à son nom, c'est sans doute que cette proposition peut paraître anachronique surtout quand on sait que le panthéon et ses 87 pensionnaires n’accueillent aucun industriel. En redécouvrant la vie du fondateur de Citroën, on s’aperçoit que son existence et son œuvre pourraient en faire un candidat légitime. On ne veut pas jouer les Cassandre, pourtant à l'époque que nous traversons, on vous le dit, on n'y croit pas trop. Pour nous, c'est l’occasion de vous parler de l’automobile différemment, d'un temps si lointain qu'on pouvait encore parler de pionniers, et du parcours d'André Citroën avant même la création de la marque aux chevrons.
André Citroën au Panthéon: Une France rêvée ?
A l'heure où l'Assemblée Nationale se déchire sur la loi immigration, quand les idéologies sont des plaques tectoniques qui se percutent, écrasant toute forme de raison, l'histoire de ce fils d'immigrés juifs pourrait apporter, si ce n'est de la hauteur au débat, un peu d'inspiration dans ce chaos. Surtout quand on sait que le petit Lucien, fils d'une maman polonaise et d'un papa hollandais, est devenu français à ses 18 ans en faisant sa demande de nationalité, alors que c'est un authentique parisien né dans le 9e arrondissement de la ville. L'histoire d'André Citroën est donc aussi de ces exemples qui ouvrent les portes du Panthéon, de ces enfants de France, issus de l'immigration, de familles ballottées par l'histoire et de communauté chassée, cherchant paix et protection en France.
Nous sommes en 1898 et André entre à Polytechnique alors qu'un certain Gustave Eiffel construit sa tour pour l'Exposition Universelle de Paris. Le 20e siècle est une promesse, le progrès est une nouvelle religion et le temps est à l'innovation tandis que l’ère de l'automobile est toute proche. André Citroën termine 162e sur les 192 élèves. Ce n'est pas fameux, mais, selon les historiens, cela lui convient car il avait peu d’appétence pour les grandes fonctions de l’État. Bon élève et sans être un génie dans ses études, même si X - Pour nos jeunes lecteurs, avant d'être le nouveau nom de Twitter, X est le nom de la prestigieuse École Polytechnique - ce n'est pas rien, André Citroën peut servir d'exemple pour l'intégration par les études et pour l'importance de ces dernières, non ? Il coche les cases essentielles pour être proposé comme prétendant au Panthéon. Sa vie met exergue le modèle français : un enfant d'immigrés juifs, demandant la nationalité française à 18 ans et diplômé de Polytechnique, c'est quand même un bel exemple d'intégration...
André Citroën au Panthéon : S'il avait été Américain ...
En suivant le fil de sa carrière, on pourrait dire non pas qu'André Citroën est un Steve Jobs à la française, mais bel et bien, que Steve Jobs est un André Citroën à l'américaine. On dit souvent que le fondateur de l'empire éponyme est un inventeur de génie, mais en réalité, c'est surtout un industriel nors norme, capable de transformer des idées en produit de masse. L'histoire industrielle d'André Citroën commence loin du monde de l'automobile, mais c'est là où ses premiers chevrons vont lui porter chance et fortune. C'est en Pologne qu'il va découvrir chez un client de sa famille, un procédé de taille d'engrenages à chevrons taillés en V permettant une précision de taille hors du commun pour l’époque. Il n'en faut pas plus pour que le jeune homme rachète le brevet et cherche à améliorer le concept pour l'industrialiser. Il ira jusqu'aux USA pour trouver une entreprise capable de réaliser à la perfection les dents en acier. André Citroën revient en France et trouve des financements, mais il lui faudra attendre deux ans et finir son service miliaire pour lancer son aventure. Toute sa vie, il va avoir cette capacité à rallier les plus grands talents, à déceler l'avenir d'une technologie,à adapter une technique pour la transformer et la démocratiser. N'oublieons pas une force de conviction capable de déplacer des montagnes ! Si André Citroën avait été américain, il aurait la notoriété d'un Steve Jobs, d'un Henri Ford ou d'un Philip Knight.
André Citroën au Panthéon : De Mors à Citroën
Vous connaissez les automobiles Mors ? L'histoire a oublié ce pionnier de l'automobile pourtant reconnu pour ses records de vitesse, mais aussi pour avoir accueilli André Citroën. Ce dernier a tout simplement sauvé le constructeur et a fait exploser son chiffre d'affaires. On peut dire que cette expérience a révélé un sens inné de l'organisation. Alors, quand il découvre aux Usa les usines Ford, il n'a qu'une idée : adapter ce qui deviendra le Fordisme à ses usines. Mieux que cela, il va sentir l'air du temps qui est aussi social avec des grèves dans les usines Mors où les conditions de travail n'étaient pas loin de celle de la révolution industrielle. Il accepte les revendications et tout au long de sa carrière, il associera les conditions de travail non pas à un coût, mais à un gain de productivité et de qualité. Autant vous dire qu'à l'époque, c'était d'une rare clairvoyance.
André Citroën : Le fils d'immigré au pied de la montagne Sainte-Geneviève
C'est ensuite l'histoire de Citroën que chacun connaît, mais paradoxalement, ce n'est pas ce que les signatures d'une tribune veulent mettre en avant. Pour eux, André Citroën symbolise la réussite à la Française. ils mettent en avant le fait que, toute sa vie, il a porté haut les couleurs tricolores. Il est difficile de dire le contraire, mais on voit mal, en ces temps d'opprobre facile, le Président de la République inviter au Panthéon l'un des pères de l'automobile.