Tesla a joué un mauvais tour aux constructeurs français et a fait un joli pied de nez aux législateurs. Le marché de l'automobile électrique a beau se dire plus vertueux pour l'environnement que les voitures thermiques, il est tout aussi concurrentiel et sauvage que le marché traditionnel. La guerre est d'autant plus grande que les investissements pour électrifier la production sont sans comparaison. Les bonus écologiques sont un véritable atout pour les constructeurs, mais aussi pour les gouvernements. Alors, quand Tesla vient jouer sur les plates-bandes des constructeurs français, voire européens, c'est un acte de guerre commerciale et il n'est pas passé inaperçu.
Le bonus écologique : le saint Graal des constructeurs
Une voiture électrique coûte sensiblement plus cher qu'une voiture thermique neuve. Les gouvernements ont beau inciter la population à faire la transition, le prix reste un frein important. Le bonus écologique permet de baisser le prix de façon substantielle. En effet, la prime peut s'élever jusqu’à 5 000 euros. En France, comme dans les autres pays, les conditions d’accès permettent également de privilégier les constructeurs nationaux en adaptant les limites à des caractéristiques concernant un maximum de modèles tricolores de profiter des primes pour la transition.
Cela doit rester un non-dit : le gouvernement ne peut pas interdire les bonus pour les constructeurs étrangers sous peine de déclencher une guerre commerciale ouverte, sans parler des accords internationaux et, notamment, européens. Imaginez l'Allemagne qui apprend que son principal partenaire exclut ses constructeurs ! Le plus simple pour les législateurs est de façonner une loi qui se base sur le prix à l'achat afin de priver les modèles dispendieux des aides. Cela permet au passage de ne pas aider les ménages qui ont assez d'argent pour acheter des voitures électriques haut de gamme et ainsi d'éviter d'attiser les critiques des partisans de la lutte des classes. Jusqu'ici tout se passait bien, même comme prévu. Mais c'était sans compter sans le trublion de Californie qui décidément ne respecte rien.
Tesla baisse les prix, l'Europe tousse
On ne dira pas que la baisse sensible des prix des Tesla a été identifiée comme une stratégie pour s'infiltrer dans le programme des bonus écologiques européens mais la question c'est rapidement posé. Et d'ailleurs, on ne peut pas affirmer non plus que c'est la raison principale de ce choix stratégique, mais force est de constater que les effets sur les ventes ont été directs. La Tesla Y a même été la voiture électrique la plus vendue le mois dernier sur le marché national devant la Dacia Spring et Peugeot e-208. A moins de 47 000 euros, le modèle Y et le SUV ont été plébiscités par les Français qui ont pu ainsi profiter d'un bonus de 5 000 euros pour acheter leur Tesla.
Objectivement, entre la baisse décidée par le constructeur californien et les 5 000 euros du bonus écologique, le rapport qualité/prix est plus que concurrentiel. Rajoutez le prestige de la marque et vous obtenez la recette gagnante pour une flambée des ventes devant des concurrents médusés. Pourtant, ils n'ont pas dit leur dernier mot en sortant l'artillerie lourde et l'argument massue : « les aides de l'Etat ne doivent pas soutenir les constructeurs étrangers ». Tesla est le sommet de l'iceberg, mais la menace chinoise et ses modèles à des prix attractifs est aussi dans le viseur. D'une pierre deux coups... Le plus amusant, façon de parler, c'est que ces baisses, pouvant atteindre les 10 % sur certains modèles, ont irrité les clients chinois qui ont manifestés devant les concessions de l'Américain. C'est vrai qu'à un jour près, payer sa Tesla plein pot, c'est un peu ballot mais comme le dit l'adage : « c'est le jeu, ma pauvre Lucette ».
Un bonus ecologique qui pourrait s'adapter ?
La Norvège a carrément décrété une taxe Tesla avec en prime une contribution supplémentaire pour chaque kg au-dessus de 500 kilos. En France, il paraît difficile de bien placer le curseur, alors on parle plutôt d'un bonus conditionné à l'utilisation d'une énergie décartonnée pour produire le véhicule électrique. C'est plutôt malin, parce que cela gênérait aussi bien Testla que nos amis Allemands qui dans leur quête d’énergie renouvelable ont fermé cette année leur dernière centrale nucléaire. Cela les oblige à importer de l'énergie et à rouvrir des centrales à charbon. De plus, Tesla, pour éviter les barrières douanières, développe son usine de Berlin qui pourrait devenir la 3e plus importante dans le monde.
La question chez les constructeurs de voitures électriques est de savoir si la guerre des prix tant redoutée a été déclenchée par Tesla.. Tout le monde s'observe, mais en réalité, aucun constrcuteur n'a intérêt de jouer cette carte sur un marché qui reste trop limité pour espérer compenser une guerre des prix par les volumes de ventes.