Nous avons rencontré Annabel pour prolonger plus longtemps la journée des Droits des Femmes... Rencontre avec une authentique passionnée qui n'a pas sa langue dans sa poche et qui avance pied au plancher !
Bonjour Annabel. Quels sont vos liens avec le monde automobile ?
C'est une histoire de transmission familiale, mais pas que ! Le sport mécanique s'est imposé à moi. très tôt puisque j'ai commencé le quad à quatre ans et la moto à sept ! Après un accident de moto à 16 ans, j'ai débuté en Formule Bleue MEP (x2 - moteur panhard - 60’ et x27 - moteur GS - 70’) à dix-huit ans sur le Circuit d’Albi où ces voitures ont vu le jour. Le roulage reste une histoire de descendance, vu que mes coéquipiers et adversaires sont mon père et mon oncle sur la piste, qui eux-mêmes avaient pris la suite de mon grand-père ! Que ce soit dans la vie personnelle ou professionnelle, l’automobile est dans mes gènes. En famille et entre amis, sur la piste ou dans les paddocks... ce qui est fort, c’est la relation passionnelle à l’histoire, l’innovation et la mécanique. Pour moi, c'est une école de vie où l'on doit profiter de
l'expérience des anciens tout en trouvant l’équilibre entre l'humilité et la confiance en soi. C'est un. véritable art de vivre : sur piste, dans un atelier ou en train de conduire une voiture ancienne.
Vous êtes une pilote en Formule bleue et vous conduisez aussi des voitures d'avant-guerre ou autre ?
Oui, les Formules Bleues sont des autos assez uniques où le pilote est assis sur le réservoir avec un seul type de pneumatiques, quel que soit le temps, avec même des pointes à 210 km/h pour les x27 (moteur GS). Longtemps connues pour leur aspect école dans l’histoire française, ces MEP crées à chaque fois un spectacle du tonnerre. Au sein du club, nous continuons la passation aux jeunes, même ci-certaines voitures sont déjà dans des musées comme à Nashville aux Etats Unis. Ensuite , j’ai eu aussi la chance de participer à des courses à l’étranger comme en Suède, pour une course de régularité en Austin Healey de 1954, en trial en Angleterre ou encore à Navarra en Espagne. Les deux belles aventures que j’ai eu l’occasion de réaliser: un road trip dans les Alpes françaises, suisses et italiennes en Morgan de 1929, puis, un autre road trip breton en Morgan Aero 1930 avec, comme co-pilote, ma maman qui a découvert pour la première fois les plaisirs de la décapotable avec le vent et la pluie.
Pour vous, l'automobile n'est pas un monde clivant , vous en parlez plutôt comme un pont ?
Je parle principalement du monde des voitures anciennes parce que pour les « modernes » c'est un autre public, je suppose. L’automobile, c'est avant tout un monde de passionnés, d’histoire, de mécanique et des marques. On partage tous une fascination pour la créativité des anciens constructeurs, un savoir-faire et une audace que l'on ne retrouve plus obligatoirement maintenant. Évidemment, vous trouverez des personnes qui viennent faire de la spéculation, mais dans le monde que je côtoie, notamment celui des tracks days et des voitures anciennes, la passion est le moteur qui anime tout ce petit monde. Elle abolit aussi bien les classes sociales, que le genre, l'esprit de clocher, etc. Un chef d’entreprise va discuter avec un agriculteur et partager des connaissances, des anecdotes et des conseils. Tout un chacun va abandonner son rôle social, sa casquette professionnelle pour vivre sa passion. Il y a un vrai besoin de partager, avec les nouvelles générations, le plaisir et la culture de l'ancienne. Il n'est pas rare de voir des propriétaires prêter des véhicules à des amateurs qui n'ont pas forcément la chance d'en avoir un. Par exemple, petite histoire : je me suis liée d'amitié avec un septuagénaire, Yvon, alors que j'avais 18 ans. Notre relation a perduré dans le temps. Fan de son Cooper 500 moteur Jap au méthanol, il m’a transmis tant de force et de connaissances sur les véhicules d’époque. Malheureusement, il
nous a quitté suite à la maladie de Charcot, mais il symbolise à jamais dans mon esprit les connexions que l'on peut construire et qui font fi des clivages, notamment celui de l'âge.
C'est le cas de l'association dont vous êtes membre ?
Tout à fait ! Je fais partie de l’Association Pilotage pour Tous qui permet à des personnes à mobilité réduite de conduire des véhicules de loisir notamment pour le circuit. Nous avons conçu une formule du châssis à la carrosserie pour un ancien champion paralympique, pour qu'il puisse avoir toutes les commandes à la main ; et nous travaillons également sur d'autres adaptions pour d’autres typologies de personne. C'est aussi notre vision du partage en faisant du monde de l'automobile un endroit inclusif ! Je suis persuadée et animée par la conviction que le monde de l'automobile n'est pas un milieu fermé et réservé. Il suffit d'avoir la volonté de casser ses codes pour l'ouvrir au plus grand nombre.
Quel est votre regard sur la place des femmes dans le monde automobile ?
Pour moi, il n'y a pas de problématique homme/femme. L'idée de la femme qui suit son homme sur les circuits et qui l'attend devant la buvette ou qui se pâme dans les tribunes devant ses exploits est révolue. Aujourd'hui, la passion se transmet de père en fille, se vit en couple, mais aussi toute seule. Je ne suis pas toujours accompagnée pour sortir la Morgan et la démarrer à la manivelle. Je le fais car j’aime conduire et partager l’histoire avec des curieux. Je ne crois pas qu'il faille créer une place particulière avec des courses réservées qu’aux femmes. J'aime piloter contre des hommes, défier mon père ou mes amis. J'ai une opinion assez tranchée, mais je crois qu'une femme doit faire ses preuves sur la piste et elle sera acceptée comme cela. De plus, la lutte contre les femmes hôtesses aux salons de l’automobile a fait réagir. Toutefois, aujourd’hui, en tant que femme, on doit faire attention avec les réseaux sociaux à ne pas devenir de nouvelles opportunités marketing afin de rester des actrices à part entière du monde automobile. Bien évidemment, je suis pour que les femmes viennent sur les circuits pour rouler, réparer, bricoler
ou simplement profiter du spectacle. Je suis bien placée pour leur dire ....qu'elles sont les bienvenues !